Kim Scott, a exercé au sein des plus grands groupes tech aux Etats-Unis, notamment chez Twitter, Dropbox, Youtube, Apple et Google. Elle est depuis devenue une influenceuse de taille.
Pourquoi ?
Elle a conceptualisé suite à ces expériences non négligeables une doctrine managériale intitulée ‘franchise radicale’ (‘radical candor’) qu’elle a présenté au monde dans un livre devenu un best-seller (Radical Candor: Be a Kickass Boss Without Losing Your Humanity).
Sa doctrine ? On peut être un leader puissant en conservant et développant son humanité. Il faut apprendre à verbaliser une combinaison de critiques constructives et de feedback positifs afin d’accompagner ses collaborateurs. Un subtil équilibre qui permet d’établir des relations saines et durables.
Dans quel cadre et avec quelles clés ce concept de franchise radical peut-il être appliqué ? Dans la suite de cet article, nous vous proposons quelques éléments de réponse.
Créer le meilleur environnement pour permettre à ses collaborateurs d’être pleinement eux-mêmes
L’expérience professionnel, creuset des émotions
Les occasions de ressentir des émotions ne manquent pas dans le contexte professionnel !
Prenons l’angle des émotions plutôt « négatives », celles associées aux craintes, à la peur, à l’agacement ou à la colère.
Les émotions « positives » sont, en général, plus faciles à vivre.
Du côté des collaborateurs, les émotions délicates à vivre :
- Qui n’a pas eu peur de ne pas réussir à finir un dossier à temps ?
- Qui n’a pas été énervé face à un imprévu ?
- Qui n’a pas ressenti de la déception de ne pas recevoir de la reconnaissance pour son travail et ses résultats ?
- Qui n’a pas ressenti la craint d’être jugé(e) pour un travail qu’on pense pouvoir mieux faire ?
Du côté des managers, les situations qui engendrent des émotions délicates :
- Travailler avec un employé qui est toujours stressé dès qu’un changement dans le planning intervient peut être éprouvant.
- Constater qu’un employé est systématiquement en retard lors d’une réunion hebdomadaire peut contrarier.
- Voir un employé pleurer peut faire ressentir de gêne, quelquefois même de la culpabilité.
Quelle est la place des émotions dans le cadre professionnel ?
Faut-il refouler, nier les émotions ?
Il existe une croyance qui laisse penser que l’absence d’émotions revient à adopter une posture professionnelle. Cependant, Kim Scott met en garde contre cette croyance.
Des réactions émotionnelles dans le cadre du travail sont normales. Après tout, nous ne sommes pas des machines, et ce, quelle que soit notre position dans la hiérarchie.
Les émotions sont un indicateur irremplaçable sur ce que nous vivons à un moment précis. Afin d’offrir l’opportunité à soi-même et à son entourage de comprendre ce qui nous anime revient à offrir l’opportunité d’avancer de façon plus sereine.
Kim Scott propose de reconnaître, comprendre et exprimer nos émotions. Reconnaître l’émotion, c’est prendre de la distance avec elle. Je réalise que l’émotion n’est pas faite pour durer mais qu’elle est apparue pour me signaler un besoin à satisfaire à un moment précis.
Il est possible pour n’importe quel individu de gérer ses réponses à des situations émotionnelles plus efficacement. De la même façon, si une personne comprend la façon dont les émotions affectent une autre personne, elle sera plus à même de réagir de manière appropriée. Au-delà des mots employés, des comportements observés, il est possible d’appréhender la perception du monde, les besoins psychologiques, les canaux de communication d’autres individus pour faire face à des situations de stress ou de conflits.
Pour Kim Scott, l’idée de permettre une introspection individuelle et collective, la connaissance de soi, la connaissance des autres, revient à intégrer de l’amour dans la relation entre leaders et collaborateurs. Pas au sens romantique du terme, mais dans le sens de la reconnaissance, de l’intérêt porté à la motivation intrinsèque des collaborateurs.
S’autoriser à dire les choses qui doivent être dites : le feedback au fil de l’eau
Concevoir de permettre aux collaborateurs d’être eux même avec leur personnalité, leurs qualités, leurs défauts et leurs émotions comme une forme d’amour, pourquoi pas.
Se préoccuper du bien être des collaborateurs signifie cependant aussi être franc et oser remettre en question et challenger ses collaborateurs.
Des comportements gênants ou des problèmes de performances finissent parfois par ne même pas être mis sur la table.
L’objectif du feedback au fil de l’eau permet d’exprimer tant :
- les satisfactions des efforts, des implications, des résultats obtenus,
- les attentes insatisfaites.
Pour être aidant et puissant, le feedback doit s’appuyer sur des faits puisés dans les situations de la vie courante.
Les 2 types de feedback
Il existe au moins deux types de feedback : le feedback positif et le feedback correctif.
Le feedback positif consiste à faire un retour sur une situation qui s’est bien passée, sur les objectifs atteints, afin de souligner ce que le collaborateur doit continuer dans cette voie. Il ne faut pas dénigrer les feedbacks positifs, tout aussi nécessaires que les feedback correctifs.
Le feedback correctif (quelque fois appelé feedback critique) consiste à donner son avis sur une situation qui ne s’est pas passée de façon optimale, qui devrait être améliorée, sur les progrès à faire, les échéances à tenir. Il s’agit de faire évoluer un comportement, une compétence.
Un feedback réellement efficace exige une communication claire et factuelle afin d’éviter tout sous-entendu. Il doit être résolument constructif … et proposer aussi à son interlocuteur un espace de recul.
Les bénéfices du feedback
Un feedback « constructif » est toujours une marque de reconnaissance.
Un feedback efficace permet un développement ou un renforcement des compétences professionnelles, parfois inconnus de l’interlocuteur, destinataire du feedback.
En tant que leader, manager ou même simplement équipier, parce que « être humain » cela fait partie de notre mission de dire les choses qui peuvent contrarier dans un premier temps.
Amener un collaborateur à se rendre compte de ses erreurs, de sa marge de progression ne sera pas possible s’il se sent agressé.
Il convient d’apprendre à structurer ses feedback. Un feedback correctif doit être basé sur des faits, avec une sollicitation de son interlocuteur pour une prise de recul sur la situation et idéalement avec des propositions d’amélioration qu’il aura trouvées lors de la prise de recul sur soi ou des suggestions que l’on fera.
La culture du feedback dans l’entreprise
Diffuser dans l’entreprise une culture du feedback en promouvant ce dernier comme un outil de développement individuel et collectif et d’amélioration de la performance est un véritable levier pour le management.
Cet axe de management traduit une volonté de changement continue, de partage d’idées, de donner et recevoir des conseils, des recommandations, des critiques dans l’intérêt de tous. C’est aussi prêter attention aux collaborateurs, ce qui favorise l’engagement.
Cependant, instaurer une culture du feedback prend du temps.
Pour faire du feedback un levier du management
Dans notre pratique, nous constatons qu’instaurer une culture du feedback dans une organisation s’inscrit dans la durée.
Il faut prendre en considération le contexte et la culture de l’entreprise.
La culture du feedback n’est pas une évidence, surtout pour les organisations où la tendance est le respect strict de la hiérarchie, une culture de l’exécution et du suivi sans discussion des consignes ou des ordres.
Le fait de donner du feedback n’est pas un comportement inné, il faut l’acquérir. Selon certaines cultures, il peut être plus difficile à implémenter. La culture française n’instaure pas le feedback dans les us courants.
Les premières clés pour faire du feedback un levier du management et prendre le chemin qui mènera à terme à l’instauration d’une culture de feedback sont les suivantes :
- Il faut commencer par le haut du management : direction générale et membres du Comité de Direction. Les inviter à un processus d’accueil et de progression par la compréhension du feedback dans l’entourage.
- Il faut que chacun communique en remerciant sur les feedback donnés et même, si c’est possible, sur la prise en compte du feedback qu’il a recueilli dans son entourage.
- Et procéder ensuite en offrant le même processus aux strates managériales des membres du Comité de Direction …
Au-delà de l’expérience vécue, il faut mettre le « feedback » au centre des valeurs et de la culture de l’entreprise. Toutes les entreprises flexibles, agiles utilisent le feedback comme processus d’ajustement en permanence.
Conclusion
Nous avions déjà souligné que les éléments de base de l’accompagnement des leaders et des managers sont de les accompagner à identifier leurs propres leviers de motivations et ceux des collaborateurs et, tout ceci, en impulsant une dynamique de groupe. Ceci s’applique notamment pour faire du feedback un levier du management.
Créer le meilleur environnement pour permettre à ses collaborateurs d’être pleinement eux-mêmes comme le conseille Kim Scott ne signifie pas qu’il faut s’empêcher de donner des feedbacks correctifs.